mercredi, mai 02, 2007

Suis-je un héritier de Trudeau?

Peut-être devrais-je l'admettre: je suis un héritier intellectuel de Pierre Élliot Trudeau. Mon libéralisme est un peu à son image, c'est-à-dire individualiste et anti-communautaire. Peut-être devrais-je dire que je fait partie de cette génération qui a grandit dans l'esprit de la Charte canadienne des droits et libertés. En plus, je suis comme tout bon québécois, qui cultivent une profonde ambivalence identitaire entre les valeurs universalistes de la Charte et la spécificité historique et communautaire de l'identité québécoise. Ce qui fait de moi un fédéraliste par dépit et je me sens tout à fait à l'aise avec cette position. Elle a l'avantage de ne pas assujettir mon libéralisme à une pratique justificative visant à clamer haut et fort ma solidarité au projet de fondation de la nation canadienne ni à celle du Québec. On en voit les conséquences funestes : plutôt d'encourager l'intégration, la Charte encourage une non-intervention axiologique dans le processus d'intégration des communautés culturelles qui utilisent les valeurs universalistes canadiennes au renforcement de leur identité culturelle, ethnique et religieuse. Peut-on croire à la stabilité d'un tel modèle? Est-ce qu'une société d'individus saura remplacer les différences culturelles et historiques? Bien sûr que non en principe. Mais jusqu'à présent, le système fédéraliste parvient à s'accomoder de ces différences parce qu'il considère qu'à la base, nous sommes tous des individus. La notion de citoyenneté canadienne s'applique à des individus et fait abstraction de toutes différences historiques, culturelles et religieuses. Mais il y a quelque chose en moi qui fait que je ne peux m'y résoudre entièrement : ma spécificité historique en tant que Québécois m'incline à penser que vaut mieux vivre dans deux solitudes qui s'ignorent au sein d'un système fédéraliste. Comme ça, on pourra peut-être espérer de vivre dans le respect mutuel. Au même titre que ma génération, je suis un héritier de Trudeau. Nous sommes la preuve de la grandeur de son projet intellectuel, mais également de son échec... Nul besoin de se réclamer de lui, ni du nationalisme fédéral ni du fédéralisme pour défendre le libéralisme politique; nul besoin d'être fédéraliste pour être libéral.