mardi, décembre 02, 2008

Gouvernement minoritaire et balkanisation de la politique canadienne


La prétendue "crise politique" qui sévit à Ottawa consiste en ceci : elle repose moins sur un problème de fonctionnement du parlement que sur la volonté de faire fonctionner ce parlement. Je me souviens qu'en août dernier, Stephen Harper déclenchait les élection sous le prétexte que le parlement était ingouvernable et a cherché à convaincre les canadiens de lui donner une majorité de sièges au parlement. Les conservateurs ont échoué leur tentative. L'origine de la crise, elle est là et non pas dans la crise économique actuelle. Sur un fond de crise économique Stephen Harper, en situation minoritaire au parlement, a carrément manqué de jugement politique : il n'a pas compris que malgré ces quelques gains électoraux en Ontario, c'est à lui que revenait le fardeau de créer un compromis parlementaire avec les autres partis. Le pire, est que la crise économique n'a fait qu'amplifier les choses. Dans une période de stabilité économique, une telle difficulté aurait passée pour une simple querelle de procédure comme on en a vu souvent depuis 2006. Harper a donc créé de fond en comble sa propre crise parlementaire : il est le seul responsable de son échec. Parce qu'il s'agit bel et bien d'un échec : le gouvernement Harper n'est tout simplement pas majoritaire et c'est lui qui a provoqué la crise que l'on connaît aujourd'hui.

D'autre part, Stephen Harper se fait vraiment des illusions : sociologique parlant, il est pratiquement impensable que le PC puisse se présenter comme le parti de l'unité canadienne. Il est lui-même le produit d'un régionalisme conservateur et populiste qui n'a que peu d'influence du côté Est-canadien. Harper est condamné à vivre avec une base électorale essentiellement installée dans les provinces de l'ouest. La balkanisation du Canada est bel et bien une réalité. Le régionalisme fait maintenant partie de la donne politique canadienne. C'en est véritablement fini du temps où on parlait d'unité canadienne. La composition du parlement consiste en une preuve irréfutable de la fragmentation de la culture politique canadienne. Il va falloir s'habituer à vivre avec...

Le cas du PC réglé, vient maintenant le problème de la coalition PLC-NPD. Il ne faut pas se faire d'illusion : c'est peu probable que l'on puisse réellement espérer que cette coalition gouverne pendant cinq mois. Dans la mesure où le parlement sera prorogé, la chute du gouvernement Harper ne sera reporté qu'au 27 janvier prochain. Certes, un revirement majeur peut se produire. Dans la mesure où Michaëlle Jean appelle Dion à former un gouvernement de coalition, il est difficile de croire en sa longévité. Tout porte à croire qu'on aura peut-être droit à une nouvelle campagne électorale en février-mars.

samedi, mai 03, 2008

L'affaire Barrick Gold : le silence des médias


Avez-vous entendu récemment parler de l'affaire Barrick Gold? Peut-être un seul filet au téléjournal de Radio-Canada de 30 secondes et depuis... plus rien. Avec raison : Barrick Gold vient de menacer les auteurs du livre intitulé "Noir Canada. Pillage, corruption et criminalité en Afrique" aux éditions Écosociété dans lequel on dénonce les nombreux cas de violation des droits de l'homme et des règles environnementales par les compagnies minières canadiennes aux abords des grands lacs africains. La SLAPP intentée contre le collectif Ressource Afrique est probablement un des pires exemples jamais recensés au Canada de censure par intimidation. Venant d'une entreprise dont les exactions en Afrique sont connues depuis fort longtemps par des organisations internationales comme l'ONU, Amnisty International et Human Right Watch, cela nous montre que la liberté d'expression peut-être largement bafouée malgré le fait qu'elle soit inscrite dans la Charte canadienne des droits et libertés.

Le silence soudain des médias québécois et canadiens ajoutent à ce climat de persécution et d'intimidation par l'entreprise minière. Ce que l'on surnomme "le quatrième pouvoir" se met de facto au service de ces entreprises qui ont tout intérêt à ce que les informations et les témoignages relatifs aux "externalités" des activités minières ne s'ébruitent pas trop. Et pour cause : nous avons affaire à un livre qui ne reposent pas sur des suppositions, mais sur des faits qui ont déjà été rapporté par les médias dans les quinze dernières années. Pourquoi alors est-ce que ce livre fait mal? Il nous fait prendre conscience de la capacité des intellectuels de contester efficacement le pouvoir arbitraire des multinationales en situant dans la même trame discursive les événements entourant l'activité économique des entreprises minières dans la région des grands lacs, la guerre civile en RDC, les tractations diplomatiques entre le Canada et l'Afrique, ainsi que le rôle fondamental des paradis fiscaux dans le pillage planifiée des ressources minières. C'est parce que les auteurs de Noir Canada ont l'audace de dénoncer le lien inévitable entre l'exploitation minière et la guerre civile que les médias se taisent. Eux, qui pourtant, n'hésitent pas à critiquer le Canada dans le conflit afghan, le génocide au Darfour et la répression des tibétains par le régime chinois.

J'avoue que j'ai honte des médias canadiens qui protestent haut et fort lorsque la liberté des journalistes est brimée alors qu'ils se taisent aisément lorsque ce sont des intellectuels qui ont le courage de dire les choses telles qu'elles sont.