Je vais par la route de l'auberge; je parle avec ceux qui passent, leur demande des nouvelles de leurs pays, entends diverses choses et note les humeurs diverses et les différents caprices des hommes. L'heure du déjeuner vient sur ces entrefaites; en compagnie de ma famille, je mange la nourriture que me permettent ma pauvre ferme et mon petit patrimoine. Après que j'ai mangé, je retourne à l'auberge: il y a d'habitude l'aubergiste, un boucher, un meunier, deux chaufourniers. C'est avec eux que tout l'après-midi je m'encanaille en jouant aux cartes et au jaquet. Il s'ensuit mille contestations et d'infinis échanges d'injures; le plus souvent on se dispute pour un liard, mais on nous entend crier depuis San Casciano. C'est ainsi que plongé dans cette pouillerie, j'empêche mon cerveau de moisir et je m'épanche la malignité de mon sort, content qu'il me piétine de la sorte, pour voir s'il ne finira pas par en rougir.
- Lettre à Franscesco Vettori, 10 décembre 1513