Un Français, un Anglais, un Allemand furent chargés d'une étude sur le chameau.
Le Français alla au jardin des Plantes, y passa une demi-heure, interrogea le gardien, jeta du pain au chameau, le taquina avec le bout de son parapluie, et, rentré chez lui, écrivit, pour son journal, un feuilleton plein d'aperçus piquants et spirituels.
L'Anglais, emportant son panier à thé et un confortable matériel de campement, alla planter sa tente dans les pays d'Orient, et en rapporta, après un séjour de deux ou trois ans, un gros volume bourré de faits sans ordre ni conclusion, mais d'une réelle valeur documentaire.
Quant à l'Allemand, plein de mépris pour la frivolité du Français et l'absence d'idées générales de l'Anglais, il s'enferma dans sa chambre pour y rédiger un ouvrage en plusieurs volumes, intitulé: Idée du chameau tiré de la conception du Moi.
(Le Pélerin, 1ier septembre 1929, p. 13).