Récemment, Micheal Ignatieff a publié un excellent essai dans le New York Time sur le problème de la responsabilité politique. Décidément, il remonte dans mon estime, pas parce qu'il a changé d'opinion sur la guerre en Irak, mais parce qu'il démontre en tant que politicien un sens du jugement que l'on rencontre rarement dans ce métier. Même Stéphane Dion, ayant été lui aussi prof de science politique comme Ignatieff, ne possède pas cet esprit. Ignatieff comprend entre autres qu'agir en intellectuel et agir en politicien démontre que la compréhension du politique s'inscrit dans des perspectives totalement différentes. Ignatieff s'inspire beaucoup de I. Berlin, mais nécessairement de Max Weber. Cette phrase résume bien cette influence :
"The philosopher Isaiah Berlin once said that the trouble with academics and commentators is that they care more about whether ideas are interesting than whether they are true. Politicians live by ideas just as much as professional thinkers do, but they can’t afford the luxury of entertaining ideas that are merely interesting. They have to work with the small number of ideas that happen to be true and the even smaller number that happen to be applicable to real life. In academic life, false ideas are merely false and useless ones can be fun to play with. In political life, false ideas can ruin the lives of millions and useless ones can waste precious resources. An intellectual’s responsibility for his ideas is to follow their consequences wherever they may lead. A politician’s responsibility is to master those consequences and prevent them from doing harm."
L'intellectuel en politique est un être fondamentalement naïf s'il ne prend que ses convicitions comme l'ultime mesure de son action politique. Et c'est là le piège. Dans la mesure où il ne possède pas de pouvoir politique, l'intellectuel ne peut que réfléchir la politique en moralisateur. Parce qu'il ne peut traduire sa pensée en action, la morale lui permet de sublimer son impuissance et de construire sa crédibilité sur son unique capacité à tout moraliser. Micheal Ignatieff dit quelque chose d'important : c'est précisément parce que l'intellectuel fonde son action sur des "big ideas" qu'il est à des lieux du politicien qui lui, agit en fonction des événements. Définitivement, le politicien a quelque chose à apprendre aux intellectuels : ce n'est pas le fait qu'une vérité doit être vraie ou fausse qui importe, mais si elle influencera positivement ou négativement la vie de millions de personnes. C'est pourquoi je n'ai jamais voulu moi-même me donner l'étiquette d'intellectuel. Trop près de ses idées, mais pas assez de la réalité.