vendredi, novembre 09, 2007

L'histoire en trop, l'universalisme en moins?

Le vingtième anniversaire de la mort de René Lévesque coïncide avec la parution du dernier numéro de Argument qui porte sur l'avenir de la notion d'indépendance du Québec. Il est tout de même étonnant de voir des intellectuels rechercher la solution à la question nationale dans un réinvestissement et une réappropriation intellectuelle de la trame conservatrice du nationalisme qui s'était perdue depuis les années 60 avec la mort de Duplessis et de Lionel Groulx. Sans être réactionnaire, le nouveau conservatisme des néo-souverainistes s'annonce plutôt sous des jours très favorables. La défaite humiliante du PQ et l'ascension vertigineuse de l'ADQ comme solution à court terme au vide postréférendaire est une occasion pour ces intellectuels de montrer qu'il s'agit là d'une nécessité politique que de reconstruire le projet historicisant du nationalisme québécois. Pas étonnant que le vide idéologique qui touche le Québec contemporain, héritage d'une gauche sociale-démocrate rendue impuissante par la loi du déficit zéro et incapable de séduire la frange progressiste de la classe moyenne (très minoritaire d'ailleurs), rend nécessaire un recentrage vers la droite du nationalisme québécois.

Je suis quand même en admiration devant la formidable intuition politique de ces nouveaux intellectuels nationalistes (Jacques Beauchemin, Mathieu Bock-Côté et Éric Bédard). Leurs écrits révèlent une sensibilité très aiguë de l'importance historique du bouleversement causé par les élection du 26 mars 2007. Mais je ne peux me résoudre à accepter la solution qu'il propose. Je suis tout à fait d'accord pour dire que le diktat du modèle progressiste montréalais a miné la crédibilité du nationalisme aux yeux de la frange plus conservatrice de la classe moyenne. Je ne dis pas que la solution est mauvaise en soi. Il faut reconnaître qu'elle est extrêmement conséquente. Je ne suis même pas révolté par le ton conservateur de leur réinvestissement du nationalisme post-référendaire.

Pourtant, libéral et fédéraliste que je suis, je me demande si ce réinvestissement du nationalisme par le conservatisme saura un jour se réaliser. D'abord, quel parti acceptera de s'en porter garant? L'ADQ? Acceptera-t-il de s'aliéner l'immigration au nom d'un réinvestissement historique du projet identitaire? C'est probable. Je pense que les Beauchemin, Bock-Côté et Bédard devront se résigner à prendre leur carte de l'ADQ.

Pour l'instant, les nationalistes "mainstream" (pensons au dernier livre de JF Lisée) tentent plutôt de jouer la carte du pluralisme identitaire, bien que cette tentative de ramener ce pluralisme à un "Nous" est quelque peu fantasmatique. Il est vrai que le projet d'une citoyenneté québécoise sera vain et inutile si on ne travaille pas d'abord et avant tout sur "l'éducation citoyenne" des nouveaux immigrants. L'intégration de ce pluralisme identitaire au sein d'un Nous québécois comporte comme conséquence que de situer l'argumentaire d'un projet de société essentiellement sur la question des droits des individus. Comme l'affirme Éric Bédard dans son article (Argument, automne 2007), le nationalisme québécois d'aujourd'hui aurait tendance à se "canadianiser" parce que les néo-souverainistes croient qu'en oubliant l'histoire au profit du droit, ils pourront couper l'herbe au pied des trudeauistes. Je suis d'accord avec ce pronostique: cette ouverture au pluralisme identitaire tue le projet historique du nationalisme québécois, peut-être avec raison. Après tout, peut-être que René Lévesque aurait préféré cette solution plutôt que d'enliser le nationalisme dans son versant ethniciste.

Attention. Je ne dis pas que, malgré tout, la solution fédéraliste canadienne est la meilleure. Mais je ne peux me résigner à sacrifier mon univeralisme libéral au profit du repli historiciste que propose les néo-souverainistes conservateurs. Bien que ces derniers ont une vision très réaliste des choses, mais leur solution consiste en une fuite raisonnée dans une forme de pensée historiciste bien loin des préoccupations des vrais politiciens.