jeudi, avril 28, 2005

La nostalgie des causes perdues

Je me suis toujours laissé envahir par un désir de ne considérer que le monde qu'avec des yeux d'un antiquaire. Ce qui ne veut pas dire que le passé a prééminence sur le présent et ce qui ne fait pas de moi un espèce de réactionnaire qui regarde avec nostalgie une époque révolue. Je ne pense pas également, aux dires de certains, qu'un progressiste doit s'attacher à conserver ce qui existe déjà : c'est précisément ce genre d'attitude qui fait du progressiste un virulent réactionnaire. Certes, croire que tout est dans le présent et qu'il n'y a rien à apprendre du passé est naïf. Mais à l'inverse, croire qu'en renouant entièrement avec l'historicité du genre humain on pourrait mieux mesurer notre "contemporanéïté" ne revient qu'à invalider cette historicité pour sombrer dans une philosophie de l'histoire naïve. Kracauer résume bien ma pensée ici :

"The historian is not just the son of his time in the sense that his outlook could be defined in terms of contemporary influences. Nor is his conception of the past necessarily an expression of present interest, present thought; or rather, if it is, his agressiveness may cause the past to withdraw from him. The historian's mind is in a measure capable to moving about a liberty. And to the extent that he make use of this freedom he may indeed come face to face with things past"
- Siegfried Kracauer. History. The last things before the Last.

La position de l'antiquaire, c'est justement de faire face aux choses du passé, mais sans prétendre se les approprier pour les ramener dans le présent. Il n'a pas à ressentir les sensations du passé. L'homme du présent confronte le passé sans se laisser habiter par lui parce que, au fond de lui, il lui est complètement étranger.