jeudi, mai 12, 2005

Un poème sur Max Weber

Certains s’étonneront du fait qu’il existe un poème qui a été écrit sur Max Weber. Son auteur, Friedrich Gundolf, un poète reconnu comme un disciple de Stefan George, avait connu le grand sociologue pour avoir fréquenté son cercle dans les années 1910. Le voici dans son intégralité. Certes, sa valeur poétique laisse à désirer, mais il témoigne de l'admiration que l'on portait à cette figure charismatique sous la république de Weimar.

MAX WEBER

Que nulle brume débordante ne se déverse
À travers les décennies qui maintenant usent de nous
Quelqu’un soumit encore les beaux et les héro
Par son verbe d’amour, de malédiction, de menace,
Dans sa vision salvatrice et la légende des lointains.

Tu t’es jeté dans les ruines de tes journées
Aujourd’hui, délivré des enseignes pompeuses
Le cœur à nu, au travers des images
De ton horreur et de ton espoir…tu brûlas, tu jetas
Ton cheval dans chaque détour… soit que tu aies rétréci
La largeur de tes vues superbes pour les gueux,
Que tu aies exalté aux dimensions de l’histoire du monde
Jailli hors de toi-même, et jamais à l’affût
De ton bonheur, ni soucieux d’une vaine durée.
Dans l’amoncellement des masses d’ordures
Ta volonté s’est contrainte à fouiller, pour saisir,
Pour savoir, pour expier ton
Ardeur créatrice dans le sacrifice mortelle des apparences.
Toi, tenté comme pas un parmi les chimériques
Par les murmures de cieux, et par les fêtes
Plus brûlantes, les contes, les ivresses captivées…
Plus déchiré que nous par le chant des sirènes :
Faveur, pouvoir! Proclamer, exercer
Ta faveur et ton pouvoir dans le trouble frivole
Devant les prestiges du spectacle, au-dessus des abîmes,
Tu te l’es interdit, comme le plus médiocre des péchés…
Tu préfères mettre en pièce les tentures
Trop belles, et la pompe divine
Qui apaise, avant que le combat n’ait commencé.

La VÉRITÉ après le coucher des soleils
Arrachée aux illusions égorgées,
Sans salaire de l’au-delà, et parmi les larmes
Qu’un homme doit cacher à son prochain lui-même…
La vérité, dans les tumultes envoûtés,
Qui l’apprennent afin de l’échanger
Contre une foi nouvelle, ou pour la déchiqueter…
La vérité, sans le repos d’oreillers moisis
Ni remâchage de morceaux taillés d’avance…
La vérité, ou la dignité même est nue,
Lourd fardeau sur la nuque, tout ce poids
Des idoles renversées, et la pesanteur
Du firmament vidé en guise d’enfer,
Tu l’as portée, du fond du sol, à travers mille portes,
Guides dédaignant de mentir sur le but du voyage.
Et nous, doutant de tout centre immuable,
Bénissons, bien avant le but, telles démarches,
Avant l’agencement des phrases, ta voix pure,
Ton sourire réconfortant de fidélité
Élancée, vigilante, dans sa fureur… et nous osons poser
Pour l’amour de toi, les questions sans réponses.
-Friedrich Gundolf, Gedichte, 1930.